Devant nos yeux, se disséminant le long du mur : un florilège de matériaux, de textures et de formes énigmatiques, tâtonnantes, presque organiques. Paraissant empiriquement transposées de son atelier d’expérimentation, les explorations plastiques d’Alicia Zaton se répandent sensiblement, mystérieusement, dans l’espace dans une dimension scénographique.
Disposées çà et là, suspendues, accrochées, cachées pour certaines, elles sont comme les fragments dispersés, les pièces éparses d’un puzzle intime à reconstituer. Sans se dévoiler entièrement, l’artiste révèle une partie d’elle-même, de son identité, au travers de cet ensemble de Songes tressés. Ces travaux oubliés, mis de côté, morcelés, sont aujourd’hui noués entre eux par d’invisibles récits, explicitement suggérés par la matière.
Il serait tentant de penser qu’ils sont les simples morceaux restitués de narrations passés, mis au rebut et échoués lors du processus créatif. Pourtant, réunis et chargés de la densité émotionnelle qui leur a alors été conférée, ils en sont désormais le point de départ potentiel, la genèse. Ils portent en eux le cheminement intérieur, la fragilité de l’hésitation, du doute
– comme habités des secrets mémoriels d’Alicia Zaton.
Hybridant entre œuvres d’art et objets totems, chaque pièce dans son individualité semble appartenir à un rite, subtilement empreintedes détails deson histoire personnelle et transgénérationnelle. À l’image de la tresse que l’on aperçoit dissimulée derrière un rideau, on peut deviner le geste ancestral liant les femmes entre elles, à l’abri des regards, dans l’intimité d’une douche.
Et c’est dans la simplicité d’un morceau de carrelage ou d’une porte de placard de cuisine, comme les bribes reconstituées de lointains espaces domestiques, que se loge toute l’intensité des émotions. En les associant à des photographies argentiques, l’artiste évoque et invoque, par allusions, des souvenirs vécus ou fantasmés pour mieux y creuser les strates du temps, en saisir les contours, en capturer l’essence. Ressusciter ces moments de vies passés et ériger les vestiges, les reliques réinventées et mystifiées, de l’autel sacré des réminiscences.
Telle des pièces à conviction scrupuleusement sélectionnées, les œuvres d’Alicia Zaton sont une invitation à résoudre l’énigme, percer le mystère qui hante son travail d’une aura fantomatique. Ce n’est cependant pas seulement à autrui qu’elle l’adresse, mais aussi à elle-même. Comme la tentative invétérée, teintée d’affectivité, de remonter le fil et les failles de son archéologie familiale pour, enfin, y puiser les racines de son existence.